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n. 4 / gennaio 2014

Dans l’œil du Dr House

 

 

Hélène Houdayer
Maître de Conférences
Habilitée à diriger des recherches en sociologie
Université Paul-Valéry
- Montpellier

 

Le Dr house(1) est une série américaine crée en 2004 par David Shore. La série est devenue rapidement incontournable, étant présente dans près de 60 pays. Ses fans, les Houseisms, adorent les répliques du Dr House, incarné par l’acteur Hugh Laurie et ils disent apprécier dans le personnage sa vivacité d’esprit, sa franchise, son humour noir sans retenu, ne s’embarrassant pas de la présence des autres. Si les personnages et les lieux sont bien fictifs et le personnage caricatural, la série s’appuie sur un univers marqué symboliquement par le médical : blouses, masques, blocs opératoires, appareils (scanners, IRM, radios), assortis d’examens (coloscopie, angiographie). Le vocabulaire médical parfaitement authentique finit de nous convaincre : septicémie, œdème, ponction lombaire, greffe, sclérodermie, etc. Nous découvrons avec le Dr House de nouvelles maladies qui existent réellement : syndrome de Cushing, thrombose du cerveau, lymphome, chorée de Huntington, etc. Les images d’opérations rendent crédible la série d’autant qu’elle s’inspire de cas réels filmés et de conseils de médecins pratiquants.

La série Dr House s’inscrit dans ce que nous pourrions qualifier de légende(2). Elle raconte l’histoire d’un anti-héros qui bouscule la morale des sentiments en affichant du mépris et de l’indifférence envers l’amitié et l’amour que les individus peuvent porter. Personnage en apparence détaché des émotions il se concentre sur sa vocation : parvenir à soigner des individus dont la pathologie n’est pas clairement identifiée. Pour cela le Dr House ne s’encombre pas des contraintes de la vie en société, de la présence d’une hiérarchie portée par la profession médicale ainsi que des sentiments dont sont animés ses patients. Il bâtit ses propres règles à partir de l’antagonisme des relations humaines, semant le désordre, dérangeant les conventions sur fond d’humour et de médecine. Sa légende c’est celle d’un homme qui pour sauver le patient ne fait confiance à personne, brave l’autorité médicale et choisit le chemin de la solitude. S’entourant d’une équipe efficace, il est chargé de venir à bout de cas cliniques désespérés. En dépit de quelques accents dramatiques, l’humour et les sarcasmes dominent pour faire de House, sa réussite professionnelle aidant, un personnage attachant et populaire.

Un personnage ambivalent habité par les figures de l'imaginaire

Le Dr House porte en lui un idéal, celui de la guérison, qui renouvelle la croyance au progrès et en la science analysée par Michel Foucault comme un bio-pouvoir(3). Il est le héros symbolique qui réussit à sauver des vies là où d’autres échouent, notamment des médecins spécialistes. Son personnage nous interpelle sur le couple médecin/patient. House nous propose une vision profane du médecin dont l’intérêt serait uniquement guidé par celui du patient, alors que la réalité semble, y compris dans la série au travers de l’intervention du corps médical, différente : le patient n’est soigné que s’il présente un intérêt clinique, financier ou prestigieux. Cela nous renvoie à une vision singulière(4) portée par la profession médicale dont House se détache. S’il est peu scrupuleux envers son patient et ses collègues (qui ne sont que des numéros) il aime à répéter que seul la vie du patient compte et c’est à ce titre qu’il brave les lois de l’hôpital et de l’intimité. House affiche une image dégradante du corps médical par sa conduite : physiquement il boîte, se déplaçant à l’aide d’une canne tandis que mentalement il dérange l’image hygiénique de la médecine, portant rarement la blouse blanche et en ayant toujours sur lui un flacon de Vicodin, analgésique opiacé, dont il abuse. C’est ce qui fait de lui un héros a-typique dans le monde des séries médicales (Urgences, Grey’s Anatomy, NYP..). Son personnage ressort de la fantaisie, héros de science fiction mi-monstre car doté d’une certaine cruauté envers ses malades sur qui il n’hésite pas à pratiquer des examens douloureux, mi-dieu lorsqu’il sauve des patients condamnés. Personnage ambivalent par nature Dr House est devenu aujourd’hui mythique, laissant à l’imagination sa fonction essentielle : l’expression de la contradiction.

Le Dr House vient bousculer l’ordre de l’hôpital. Les seules règles qui comptent sont les siennes. La déontologie portée par l’ordre médical est mise à mal : au besoin il faut passer outre la hiérarchie ou la contourner pour obtenir des autorisations, mentir au patient et à sa famille, enquêter sur son histoire personnelle, rentrer par infraction à son domicile et le fouiller.

Le Dr House est sans scrupules et détaché de ses malades. Il tyrannise son équipe et brave la hiérarchie, apparaissant de la sorte comme un être désordonné et froid qui vient dans son comportement bousculer l’ordre établi. Mais derrière ce « monstre » se cache bien sûr une sensibilité qui est de plus en plus marquée au fur et à mesure de l’avancée de la série et qui dynamise son côté ambivalent (House se repent au cours de la saison 6, pour avouer ses sentiments dans la saison 7 et se dévouer au final). C’est un être qui souffre, donc à qui il est plus facile de pardonner, et qui permet de développer de l’empathie. Ses fanfaronnades et ses défis sont souvent le prix à payer pour sauver in extremis le patient. Le Dr House reste un génie, proche en ce sens de Sherlock Holmes, car il parvient souvent à la solution médicale à force de réflexion mais aussi de coïncidences et de hasards (un détail, une remarque, une parole anodine promeuvent des associations d’idées qui se trouvent être la solution au mal qui ronge le patient). Cela donne l’impression que House est capable de voir au-delà des apparences pour trouver une rationalité à la maladie (la visualisation du parcours de l’infection dans le corps) et donc la guérison, ce qui fait de lui un être supérieur et intelligent.

Dans ce sens les désordres créés par le Dr House qui malmène l’institution, son équipe et le patient souvent sacrifié dans son intimité (un adultère mis à jour, une consommation de drogue découverte) sont moindres car c’est pour mieux le sauver, révélant l’actualité de la formule établie par Joseph Schumpeter de « destruction créatrice ».

Dans cette série, au travers des yeux de House et de l’hôpital, la vie est sacrée, tout doit être mis en œuvre pour la sauver. Elle est investie d’une force sociale, violence cathartique, dynamique créatrice composée de l’énergie déployée par l’équipe du Dr House, ses efforts et les sacrifices consentis par tous pour que survive le patient. Arrêtons-nous quelques instants sur cette idée de sacrifice(5) qui est une forme de violence fondatrice(6) car dotée de symbolisme. Elle permet au lien social de survivre animé par la relation conflictuelle que développe le Dr House. Par ailleurs si le patient meurt c’est alors la communauté qui s’en trouve renforcée. Si un membre de l’équipe disparaît, il est remplacé par un nouveau qui vient redonner de l’élan à l’équipe. Ainsi, si la mort du patient est chez House destructrice, comme toute antinomie elle se traduit par un nouveau vitalisme : fin de la saison 6 : mort du patient : House est moralement abattu, Cuddy le réconforte tant et si bien que naît enfin une relation amoureuse. Le Dr House se trouve dans un nouvel état d’esprit même s’il n’a pas changé. Tout comme la vicodin le détruisait peu à peu jusqu’à ce qu’il renaisse dans un hôpital psychiatrique (saison 6 épisode 1). Enfin, épisode ultime, la mort sous entendue de House, en guise de sacrifice pour rester aux côtés de son ami Wilson condamné : fin du cynisme et de l’égoïsme.

Le génie du Dr House ne semble donc pas tenir tant à son charisme qu’à ses méthodes dérangeantes. La série mobilise les structures de l’imaginaire décrites par Gilbert Durand(7), nous permettant d’expliquer l’ambivalence du personnage et ses contradictions.

Au niveaux de la structure héroïque, la posture de House est déterminante car elle fait apparaître la figure de l’anti-héros, nous l’avons évoqué : House est odieux avec son équipe, sans délicatesse pour ses patients, cynique avec sa direction, davantage préoccupé par l’étude d’un cas que par la psychologie des sentiments. Il crée l’animosité autour de lui. Selon sa maxime « Tout le monde ment » la confiance ne peut exister et il devient impossible de songer aux relations sociales dont House décide, non sans peine, de s’exclure. Dès lors, la série est bâtie sur cette opposition/séparation de House avec le reste du monde pour pénétrer dans le régime diurne de l’image. Ainsi le pôle lumière/ténèbres est constamment mis en scène.

Quelques éléments sont décisifs pour percevoir ce conflit :

La science médicale et ses lumières (la technologie employée, les produits administrés) sont au service du médecin et constituent une arme face à la maladie mais aussi à des formes d’obscurantisme portées par la religion en la figure de Dieu (certains épisodes sont très clairs à ce propos). Pourtant, dans la mythologie, Dieu est celui qui guide les hommes et les éclaire, c’est celui qui combat les ténèbres. Il leur donne la foi nécessaire pour guérir. Mais House ne se substitue pas à Dieu car ses patients meurent parfois. Par ailleurs la science médicale positive s’exprime à travers la rationalité de sa pratique : examens et tests afin d’éliminer les hypothèses suggérées par l’équipe. Chez House, la technologie médicale reste au service de la liberté du médecin et ne sert pas que l’ordre établi (objet d’affrontement avec ses pairs). C’est ainsi cette même science qui est capable d’entraver la guérison du malade par ses dimensions bureaucratiques, ses choix éthiques (à quel malade revient une greffe ? Quels sont les principes de sélection ? Quelle est l’éthique mobilisée ?) Ici la morale n’est pas absente et rejoint la problématique sanitaire : vie sans drogue, sans pathologie, sans vices pour un comportement exemplaire devant permettre au patient de guérir.

La caméra nous indique en se fixant sur l’œil habile et avisé du Dr House, tel un éclair, qu’il vient de trouver la réponse au mal qui ronge son patient. Cet œil obstiné mais clairvoyant constitue un symbole d’opposition face aux mensonges des patients, à la résistance des médecins et à la pathologie dissimulée dans le corps. Il s’agit d’un symbole décisif où réside son génie : ce que le patient cache sur sa vie privée et intime, ce que les experts ne voient pas, se refusent à penser, ce auquel personne ne prête attention, devient une révélation conduisant à la guérison. La morale est toujours présente : d’une part, il est inutile de dissimuler ses tendances et ses abus. Le mensonge ou l’erreur rattrape les personnes pour en faire des malades. D’autre part, il faut savoir prendre des risques pour venir à bout d’un ennemi, ici la maladie.

Autre sujet de tensions, House aime la révolte et l’utilise pour dénouer des cas. Chaque membre de son équipe est invité à transgresser, il s’agit d’ailleurs d’un principe initiatique auquel tout nouveau membre de son équipe doit adhérer : les lois de l’hôpital doivent être détournées à un moment donné, la hiérarchie non respectée, l’intimité du patient percée. Dans ce sens House reste un héros habile qui déjoue les pièges de l’institution et n’hésite pas à prendre des risques pour sauver son patient (ce qui lui vaut des séjours en prison et des attaques physiques sur sa personne).

Cet antagonisme nous incite à regarder du côté d’une inversion possible des polarités de l’image.

Le côté sombre de la médecine : la hiérarchie, les procédures, la gestion financière de l’hôpital sont des obstacles dans le cheminement de House vers la résorption de la maladie. Mais il a besoin de sa technologie.

L’antagonisme qu’il crée autour de lui reste bénéfique au patient. Des rapports de force s’articulent dans l’institution où chacun essaie de faire valoir son autorité et ses compétences (entre le Dr Cuddy, Forman et le Dr House). Les diagnostics proposés par l’équipe doivent être contradictoires avec le savoir médical afin de faire progresser le cas. C’est de l’affrontement que naît le remède. L’équipe sert de stimulant à House. Ainsi nous pouvons noter quelques points forts : le diagnostic différentiel permet à des points de vue différents et complémentaires de s’affronter, c’est la liberté d’action et de pensée du chaque médecin pour faire progresser le cas. Il faut également noter l’importance des zones d’ombre (effets secondaires, microbes, contagion et secrets du patient) souvent déterminantes pour déceler les causes de la maladie.


2/ La structure mystique est essentiellement tournée autour de l’intimité des personnages et de House (sa relation à la musique est une sorte de refuge). Elle doit être recoupée avec les structures synthétiques (ou dramatiques). Le Dr est malgré lui attaché à son équipe et à son ami Wilson (sujet d’un sacrifie mutuel au final de la saison), ce qui fait d’ailleurs la grande partie de l’intrigue : les sentiments et difficultés éprouvés par les personnages au fil des épisodes. Chaque détail est un indice à la fois pour progresser dans la recherche du mal dont est atteint le patient, mais aussi dans les vicissitudes des personnages de la série pour tenir le spectateur jusqu’au final.

Les structures synthétiques de l’imaginaire sont perceptibles à travers la dimension de rassemblement du Dr House, qui par ses méthodes irrite, sème le doute, mais finit par obtenir l’adhésion du patient et le respect de son équipe, car la plupart du temps le sujet guérit. Malgré son caractère, House a souvent raison de la maladie. Il crée un point de rassemblement et d’adhésion. Ses dernières recrues, profondément marquées par l’éthique médicale le découvrent au fur et à mesure des épisodes de la saison 7 et 8. House est respecté et on lui pardonne son comportement au titre de son acharnement à sauver le patient dont découle sa réussite. Celle-ci s’accomplit malgré l’amertume de son entourage, personnels soignants et patients, dans la souffrance physique de sa jambe et le détachement dont il est l’objet, même si régulièrement son équipe l’incite à manifester davantage de sensibilité.

House accomplit un trajet anthropologique(8) dans le parcours incessant qu’il engage entre ses pulsions agressives pour sauver son patient et son désir caché de socialité (sortir de la solitude, montrer la voie à son équipe, compatir à la souffrance du malade, sauver son ami Wilson). Cette perspective permet de fonder le régime nocturne de l’image : les multiples affrontements, les zones d’ombre, les moments intimes. House vit un drame quotidien à travers sa souffrance physique (sa jambe) et morale (le mépris qu’il affiche le laisse sans attaches). C’est aussi un être qui appartient à la dimension tragique de l’existence faisant coexister un présent douloureux : sa jambe lui fait mal, son patient est proche de la mort, son équipe a des soucis ; tout en étant dans l’éternel retour : récupérer sa jambe (durant plusieurs épisodes House essaie de se débarrasser de son mal, on le voit même marcher sans canne, courir dans les couloirs de l’hôpital), retrouver ses amis (c’est pour cette raison qu’il accepte de se faire interner à la fin de la saison 5), abandonner son addiction. Le passé évoque à la fois chez lui une époque regrettée de temps meilleurs, sans douleur et attaché sentimentalement à sa femme, mais aussi le début de sa souffrance (c’est son ex-femme qui a décidé pour lui l’opération de sa jambe). D’où sa philosophie : tout le monde ment, y compris House, c’est pour cette raison qu’il s’accroche désespérément à cette règle qui à valeur de loi. Si la confiance n’existe pas alors pourquoi vouloir inventer des relations sociales ? L’existence est tragique, elle peut vaciller d’un instant à l’autre.

Retour du tragique, dirait Michel Maffesoli, chaos, violence, désordre sont les sentiments qui animent House à chaque fois qu’il perd un patient ou qu’il s’éloigne d’une relation amoureuse (dernier épisode de la saison 6). Mais amour retrouvé (épisode 1 de la saison 7). Au fil des saisons le personnage se précise au gré des sentiments qu’il décide d’afficher. House est prêt à sacrifier son esprit contestataire pour maintenir sa relation avec Cuddy (pourtant anéantie en fin de saison 7) et au final son amitié avec Wilson prend le dessus (ultime épisode).

 

Note de fin

1) Cf le site officiel www.house-fr.com/ en date du 05 février 2013.

2) Jean-Bruno Renard et Véronique Campion-Vincent, Légendes urbaines. Rumeurs d’aujourd’hui, Paris, Payot, 1992.

3) Michel Foucault, Naissance de la clinique, Paris, PUF, 1963.

4) Anne-Chantal Hardy, Travailler à guérir. Sociologie de l’objet du travail médical, Rennes, Presses de l’EHESP, 2013.

5) René Girard, La violence et le sacré. Paris, Grasset, 1972.

6) Michel Maffesoli, L'instant éternel, le retour du tragique dans les sociétés post-modernes. Paris, Denoël, 2000.

7) Gilbert Durand, Les Structures Anthropologiques de l'Imaginaire. Paris, Dunod, 1992 (1960).

8) Ibid.

In questo numero